Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


Forum consacré principalement aux jeux de rôles, mais aussi à d'autres loisirs: littérature, jeux vidéos, cinéma, ...
 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

 

 Jenna Aldaron, druide gardienne

Aller en bas 
AuteurMessage
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: Jenna Aldaron, druide gardienne   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptySam 14 Jan - 0:52

J'ai enfin terminé d'écrire la version finale! cheers
Je m'occupe de la mise en page et demain, vous aurez la version définitive et ferme. bounce


Dernière édition par naomi le Mar 24 Jan - 23:46, édité 4 fois
Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: Re: Jenna Aldaron, druide gardienne   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyMer 25 Jan - 17:44

Loïc, tu vas me haïr vu la longueur de la chose, No mes excuses pour la masse de travail occasionné... Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé, au fur et à mesure que les mots venaient, il en naissait d'autres et d'autres encore jusqu'à ce que ceci naisse. Le premier jet n'étais pas suffisamment bon à mes yeux et j'ai changé quelques phrases par-ci et un adjectif par-là. Mais au fur et à mesure que je me relisais, je m'apperçevais de certaines imperfections scénaristiques, d'incohérences ou de points méritants d'être éclaircis pour donner plus d'épaisseur à mon personnage. Et j'en suis arrivée à cette quasi nouvelle.
Pour les vraiment pressés, il y a peut-être moyen de vaguement comprendre en lisant seulement l'épilogue, mais vous y perdrez beaucoup. Evil or Very Mad
En plus, je le dis rarement, mais là, j'ai vraiment fait du bon travail. cheers
Bref! Lisez pour comprendre. study
Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: INDEX DES PERSONNAGES   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyJeu 26 Jan - 0:00

Index des personnages
• Jenna, (humaine) druidesse Gardienne
• Asmodée (divinité) dieu mauvais de la tyrannie et de la domination, Seigneur des Neuf Enfers
• Oromi Aldaron, (elfe) père adoptif de Jenna, druide Gardien
• Lintuilë, (merle) compagnon animal d'Oromi
• Melora (divinité) déesse non alignée des régions sauvages, de la nature et de la mer
• Janelle Dellantara (humaine) ancienne apprentie de Marhand Bearcharger , druidesse Gardienne
• Fruian Darksbane (demi-elfe) ami de Janelle, druide Gardien
• Darhana (humaine) nièce de Janelle, son apprentie
• Marhand Bearcharger (demi-elfe) apprenti d'Oromi, maitre de Janelle, druide Gardien
• Ontari (louve) femelle alpha de la meute
• Nahta (loup) mâle alpha de la meute
• Hiswa, Sindë, Roimë (loups) première porté de Ontari
• Sermo (loup) de la première portée d'Ontari, compagnon animal de Jenna
• Everan (elfe) maitre d'arme de Jenna, amant de Keytara Wilmar
• Keytara Wilmar (humaine) bibliothécaire à Fallcrest
• Gareth Wilmar (humain) garde à Fallcrest, frère aîné de Keytara
• Quinn (humain) garde forestier à Fallcest
• Murdock (chien) compagnon de Quinn
• Shardon de Valbrave (humain) prêtre de Pelor, ami de Keytara
• Pelor (divinité) dieu bon du soleil, de l'agriculture et du temps, dieu de l'été

Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: INDEX FRANCAIS-QUENYA   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyJeu 26 Jan - 0:01

Index français - quénya
• Envinyata, guérir, renouveler
• Hiswa, gris
• Lin-, chanter
• Nahta, morsure
• Ontari, mère, génitrice
• Osellë, associée (sœur par serment)
• Roimë, chasse
• Sanwecenda, lecteur de pensée
• Sermo, ami
• Sindë, gris, pâle ou gris argenté
• Tuilë, printemps
• Yéntaro, père adoptif (d’une fille)
• Yéntimë, enfant adopté (fille)

Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: bg proprement dit PART 1/3   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyJeu 26 Jan - 0:08

PARTIE I: ENFANT D'UNE LUNE MAUDITE
Il y a des personnes qui naissent en ayant tout mais grandissent sans amour, d'autres n'ont presque rien, sinon l'affection des leurs, et enfin certaines, comme moi, semblent n'avoir droit à aucun des deux. Je naquis par une sombre et néfaste nuit d'automne. Alors que la tempête faisait rage au dehors, une autre se préparait en un lieu qui aurait dut être mon foyer, mais qui me fut refusé dès que la lumière éclaira nettement mon visage. La nature me joua un tour cruel. Ma joue gauche portait une tache naissance rouge ressemblant beaucoup à la marque d’Asmodée, le Seigneur maléfique des Neuf Enfers Un enfant né en cette nuit ne pouvait qu'avoir le mauvais œil; et la marque que j'avais au visage tendait à prouver que j'étais vraiment un être maléfique. A force de suppliques et de pleurs, ma mère obtint que je ne fusse pas étouffée dès mes premiers jours, mais je compris très vite en grandissant que je n'étais pas comme les autres enfants.
Le jour où je demandais pourquoi j'avais toujours une plus petite part que les autres, ma mère me répondit que c'est parce que j'étais tolérée dans la maison, mais que je n'en faisais pas vraiment partie. De même, je n'avais pas le droit de jouer avec les autres enfants ou de m'approcher des granges où les villageois rangeaient leurs récoltes parce que j'aurais pu attirer un malheur. Je ne m'en rendais pas vraiment compte, mais il m'arrivait de sentir ou d'entendre des choses que les autres ne percevaient pas. Lors de ma sixième année, la récolte fut presque entièrement perdue à cause d'une inondation. Le peu qui avait pu être sauvé séchait sur la place du village, colline émergeant de la plaine marécageuse qu'étaient devenus nos champs, en attendant que les eaux baissent. Le soir venu, je m’étais discrètement rapprochée des sacs encore humides pour certains parce qu'ils avaient quelque chose d'inhabituel. Certains sacs me semblaient différents de ce qu'ils auraient dut être; il s’en dégageait une aura dangereuses, comme un chien dont les oreilles se baissent. Mais je n'eus pas le temps de satisfaire ma curiosité, car un des fermiers m'avait vu approcher et m'asséna une telle gifle que le coup m'envoya à terre. A demi étourdie, je ne compris pas grand-chose à ce qu'il se passait, mais je crois qu'il me traina jusque la maison par les cheveux et me jeta devant mon père qui rentrait aussi. En rampant, je me réfugiai chez ma mère que le bruit avait attirée. Trop prise par mes propres sanglots pendant que ma mère me ramenait à l’intérieur, je ne compris pas grand-chose de la conversation qui suivit, mais il était question d’Asmodée et de mon rôle sur ce qui arrivait.
Quand mon père rentra, il était vraiment très en colère ; je ne devais pas toucher aux récoltes. Jamais ! Ma mère essaya de son mieux de me protéger des coups, mais elle ne put l’empêcher de m’enfermer dans l’appentis du grenier. Ce n’est que la nuit suivante que ma mère osa se glisser jusqu’à moi pour m’apporter à manger. J'essayais de lui expliquer que j'avais simplement voulu voir pourquoi les sacs de grains étaient devenus différents, mais les sanglots me submergèrent à nouveau et, blottie dans ses bras, je ne parvins pas à articuler un mot. En passant un chiffon humide sur mon visage meurtri, elle me rappela que si je voulais avoir le droit de rester, je ne devais surtout jamais enfreindre les règles et me recommanda de ne pas tout manger en une fois parce qu’elle ne viendrait pas tous les jours. J’avais déjà été enfermée dans cette pièce et je n’avais pas vraiment peur. Mais elle était si petite! Je ne pouvais faire que quelques pas et la seule lumière provenait des fentes du toit pour me dire s’il faisait jour ou nuit. L'unique chose à faire, c’était écouter les bruits du village et attendre la prochaine visite de ma mère. Alors j’attendis. Longtemps. Plus de jours que je ne savais compter, et beaucoup d’autres encore. Les bruits du village avaient changés et des voix me disaient qu’il se passait quelque chose de grave. Ma mère m’apportait de moins en moins à manger, restait brièvement et disait en pleurant que j’étais plus en sécurité ici de toute façon. Une nuit enfin, ma mère ouvrit la porte et me laissa descendre en portant plusieurs affaires. La simple lueur de la chandelle me brûlait les yeux après tout ce temps dans l’obscurité de l’appentis, mais je remarquais que la maison était dans un désordre très inhabituel. Quand je demandai où étaient mon père et mes frères et sœurs, ma mère se mit à pleurer en me disant qu'ils étaient tous morts comme beaucoup de gens au village à cause d'une épidémie. Une bonne partie de ce qui avait pu être sauvé de la récolte s’était avéré contaminé par une maladie, mais le temps de comprendre l’origine du mal, il était trop tard. Tout en parlant et en pleurant, ma mère ramassait diverses choses qu’elle posait sur un drap posé sur la table. Nous allions partir m’apprit-elle. C’était impératif maintenant.
Tout à coup, une torche passa par la fenêtre, puis une autre qui mit le feu à un paquet de linge empilés près de la table alors qu’une odeur de fumée et des craquements provenaient du toit. Effrayée, je courus vers la porte pour sortir, mais ma mère me rattrapa et m’entraina vers la cave en saisissant le balluchon qu’elle avait préparé. Très vite, la cave fut envahie elle aussi par la fumée alors que des cris montaient dehors. Comprenant que nous ne pouvions rester plus longtemps, ma mère déverrouilla péniblement la vieille trappe qui donnait sur l’extérieur et me hissa hors de la cave en me disant de courir jusqu’à la palissade qui entourait le village. La fumée me faisait tousser et mes jambes me faisaient mal, il y avait une éternité que je n’avais pas couru me semblait-il. Mais ma mère semblait si effrayée que je n’osais m’arrêter avant de m’être glissée entre les pieux de la palissade, là où il en manquait un. Ma mère eut plus de difficulté à passer et je dus tirer sa main pour l’aider à passer. Puis nous nous glissâmes dans un champ tout proche. Dissimulée dans les premiers rangs de maïs, mon regard fut attiré par les flammes et je vis, dans la douloureuse lumière de l’incendie, la maison brulant entourée des gens du village qui criaient des choses que le vent ne me rapportait que partiellement. Ils voulaient exorciser une malédiction je crois. Quelqu’un avait dû nous voir courir hors de la cave, parce qu’un groupe d’hommes nous chercha dans le champ. Mais ils rentrèrent bien vite au village quand des brandons voletant mirent le feu aux chaumes de la maison voisine de ce qui restait de la nôtre.
C’est ainsi que nous quittâmes le village par cette nuit sinistre, affamées et en ayant tout perdu, vers ce que ma mère espérait la route royale qui traversait les bois. Mais comment savoir où aller sans lumière ? Je ne sais trop comment, mais quelque chose me disait quels endroits éviter et par où passer pour avoir plus facile. Nous atteignîmes enfin la route le lendemain à la mi-journée. Nous ne nous étions pas arrêtées depuis notre départ, si bien qu’à peine m’étais-je assise sous un arbre, que je m’endormis. A mon réveil, j’étais dans le charriot d’un convoi marchand qui avait accepté de nous emmener avec lui vers l’est. Comment ma mère avait-il pu convaincre ces gens de m’emmener ? Bercée par le cahotement du charriot, je me rendormis bientôt jusqu’à ce que ma mère me secoue pour me dire d’aller chercher de l’eau. En me penchant sur la rivière, je compris: mon visage était noir de suie. Sous la crasse, on ne distinguait plus la rougeur sur ma joue ; je ressemblais à N’importe quel enfant maigre et sale.
Après plusieurs jours de route, je me sentais mieux. J’avais un peu à manger tous les jours et il ne fallait travailler que quand le convoi ne roulait pas. Pour cacher ma marque de naissance, ma mère me couvrait régulièrement la moitié du visage avec la pâte brune qui soignait aussi les brulures de son bras. Un matin, alors que nous venions de nous mettre en route, je pressentis que quelque chose de mauvais venait à notre rencontre. Quand je le dis à ma mère qui avait appris que mes intuitions étaient souvent vraies, elle me poussa sous le siège du charriot et me recouvris d’une bâche en empilant hâtivement des petites caisses et des fagots devant moi en me recommandant de ne pas faire de bruit et de ne sortir qu’après avoir attendu une nuit si elle ne venait pas me chercher. Bientôt, j’entendis des cris et des bruits effrayants, puis des grattements et du mouvement dans le charriot et puis plus rien. J’avais trop peur pour oser me risquer hors de ma cachette et le jour était largement entamé lorsque je soulevais enfin la bâche. Il n’y avait plus personne. Seuls les charriots étaient restés, les marchands étaient partis avec les animaux et beaucoup de marchandises. Et ma mère avec eux ! J’étais seule. En les cherchant aux alentours, je me pris les pieds dans des racines et chutais le long d’une pente jusque dans une mare de vase. Je réussi à m’en extraire, mais non sans en avoir avalé un peu. Toutes mes tentatives pour remonter vers les charriots se soldèrent par d’autres chutes dans la vase. En cherchant un moyen pour contourner l’obstacle, je finis par me perdre totalement alors que la nuit tombait. J’en avais assez ! J’étais fatiguée, j’avais froid et la vase que j’avais bue malgré moi me rendait malade. Je m’effondrais contre un rocher, désespérée. Une fois encore, je m'endormais en pleurant, mais en ayant la certitude cette fois que personne ne viendrait me consoler dans la nuit.
Le matin venu, j’étais fiévreuse et rien ne me semblait pire que le moment présent. C’est alors qu’un homme se pencha sur moi. Il posa sa main sur mon front et dit une phrase dans une langue que je ne compris pas en me regardant d’un air triste et compatissant à la fois. Personne ne m’avait jamais regardé comme çà, sauf ma mère. A cette évocation, toutes les larmes que je n’avais pu verser durant mon sommeil jaillirent et je m’accrochais de toutes mes forces à la robe de cet inconnu de peur de me retrouver seule à nouveau. Loin de me chasser comme tous les autres, et malgré mon aspect repoussant, l’homme me prit dans ses bras et me ramena chez lui. Il me donna à boire une chose au gout un peu amère et je m’endormis. A mon réveil, la fièvre était tombée et j’avais de nouveaux vêtements. J’acceptais le bol qu’il me tendait parce que la faim l’emportait sur ma méfiance, mais je cherchais le piège. N’avait-il pas vu la marque sur mon visage maintenant qu’il était propre? Personne ne voulait d’une enfant maudite sous son toit. Maintenant que je le regardais attentivement, ce n’était pas un humain, des oreilles pointues étaient dissimulées par ses cheveux couleur feuilles mortes et bien qu'il n'ait pas l'air d'être plus âgé que mon père, son regard, profond, était très ancien. Le vieil elfe, du nom d'Oromi Aldaron, vivait seul dans cette partie de la forêt avec pour seule compagnie un merle qu’il appelait Lintuilë.

Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: bg proprement dit PART 2/3   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyJeu 26 Jan - 0:09

PARTIE II: FILLE DE LA FORET
C’est alors que commença pour moi la première période réellement heureuse de ma vie. Oromi ne considérait la tache sur mon visage que comme ce qu’elle était ; une marque de naissance à la forme un peu singulière, sans superstition. En plus de sa langue, Oromi m'apprit les connaissances de la forêt et des animaux. Ces étendues sombres et secrètes qu'on m'avait enseigné à craindre durant ma précédente vie étaient devenues synonymes de sécurité. Mais la vie en forêt me rendait aussi bien plus réceptive aux voix que j’entendais. Des simples impressions fugaces que j’avais au village, j’étais passée à des moments où je les entendais murmurer et où les choses changeaient parfois pendant quelques secondes avant de redevenir comme elles avaient toujours été. Je n’étais pas effrayée par ces manifestations, mais je me rendais bien compte que les gens du village n’avaient jamais pu faire de telles choses.
https://www.youtube.com/watch?v=hNsQsVeqaqg
Loin de craindre mes dons, Oromi sut déceler l’origine de mes intuitions et des voix qu'il m'arrivait d'entendre. Tout comme lui, je pouvais voir au-delà des choses de ce monde ci. Ce n’était pas la manifestation d’une malédiction, mais bien au contraire cela faisait de nous des êtres d’exceptions et nous avions un rôle important à jouer dans ce monde. Au bout de quelques années, il m’emmena en voyage dans le sud. Nous marchâmes presque une demi-lune, hors des routes pour arriver le jour avant l’équinoxe de printemps dans une petite vallée difficile d’accès en suivant un sentier de chèvres. Les montagnes descendaient en pente très douces jusqu’à un lac dont les eaux cristallines reflétaient le ciel. Le tout dégageait une impression de nature sauvage et indomptée comme je n’en avais jamais vu et un sentiment de pleine perfection. C’était comme si nous étions les premiers à poser les yeux sur la vallée alors que le Dieu-Peintre venait de la terminer. Nous n’étions pas les seuls à venir ici, je vis que trois personnes montaient par le même chemin que nous et qu’une autre nous attendait un peu en contrebas. Me souvenant que tous les gens que j’avais connu m’avaient été hostiles après avoir vu mon visage, je couvris vite ma joue de boue. Oromi me regarda faire d’un air un peu désapprobateur, mais voyant l’inquiétude sur mes traits, il ne dit rien et commença à descendre vers la vallée.
La personne qui nous attendait assise sur une souche un peu plus bas était une femme d’âge mur à la peau mate qu’Oromi appela Janelle Dellantara à côté d’elle, un gros chat sauvage sommeillait dans une tache de soleil. Elle fut très heureuse de revoir Oromi et parut surprise de le voir accompagner mais quand il me présenta, elle m’adressa un gentil sourire et nous reprîmes la route en direction du lac. Le bois de la vallée se terminait devant un cercle de pierres au milieu duquel se trouvait une sorte d’immense portai en pierre lui aussi, mais ne donnant sur rien. Un peu plus loin, il y avait le lac, et entre les deux, une petite colline très escarpée devant laquelle un groupe de gens mangeait. Nous touchions au but. Avions-nous fait ce voyage pour rencontrer ceux qui vivaient ici ? Oromi n’avait rien voulu me dire sinon que le but du voyage était cette vallée reculée de tout.
A notre approche, un demi-elfe que Janelle présenta comme Fruian Darksbane s’avança pour nous accueillir. Il était aussi très surpris par la présence d’Oromi et nous invita avec déférence à nous joindre au repas. Les gens entourèrent tous Oromi et Janelle, heureux de les revoir ; Oromi me présenta et leur annonça que je l’accompagnais pour passer sur l’ile du lac. Tous ces gens me fixaient avec attention et je ne savais vraiment pas quoi faire ; je sentis mes joues s’empourprer et je me mis à fixer le sol avec une attention soutenue. Normalement, les gens refusaient de faire attention à moi, sauf pour crier. Heureusement pour moi, un renard passa près de nous un lièvre dans la gueule et le donna à un des hommes présents qui commença à l’écorcher. La diversion fut suffisante pour détourner l’attention de moi. Une adolescente à la peau mate elle aussi et l’air autoritaire nous apporta deux écuelles de bouillon qu’elle tendit à Oromi et Janelle. Le soleil allait seulement passer au zénith et Oromi me dit que je pouvais aller jouer, mais de ne pas trop m’éloigner. L’adolescente revint avec une écuelle pour moi et garda la dernière en me faisant signe de la suivre pour aller s’assoir un peu à l’écart. Elle se présenta comme Darhana, la nièce de Janelle et me dit que j’avais de la chance de pouvoir traverser si tôt. Je n’étais pas certaine de comprendre tout ce dont elle me parlait, mais je pressentais qu’elle faisait partie de ces gens qui n’aiment pas être contredis. Le bouillon était chaud et des morceaux de racines au gout que je ne connaissais pas y surnageaient. La dernière partie de la montée avait été difficile pour moi et j’étais fatiguée. Je bus silencieusement mon écuelle en laissant mes yeux vagabonder dans le paysage de cette vallée que je sentais à nulle autre pareille et un très long moment passa.
Darhana me sortis de ma rêverie d’un coup de coude ; comme nous étions les plus jeunes, c’était à nous d’aller chercher de l’eau et du bois pour le soir. Je pris le seau qu’elle me tendait et je lui emboitais docilement le pas en direction du lac. En chemin, nous dépassâmes Oromi et Janelle qui discutaient en marchant. Les eaux du lac étaient incroyablement claires, mais surtout très froides comme nous étions en altitude. Darhana me signala que j’avais de la terre sur le visage et que je ferais mieux de me laver pour le lendemain. Voyant que je n’en faisais rien, elle insista, comme je ne lui obéissais toujours pas, elle me poussa dans l’eau et me frotta le visage elle-même. Comme elle était plus forte que moi, je ne pus rien faire et ma tache reparut. Je réussis enfin à m’arracher à son emprise, mais elle avait déjà les mots que je redoutais aux lèvres: la marqué d’Asmodée. Je m’enfuis aussi vite que je le pus vers Oromi qui conversait toujours non loin de là avec Janelle poursuivie par Darhana et tous les souvenirs des mauvais traitements que cette marque m’avait value au village me revinrent en mémoire comme autant de giffles. Je me réfugiais derrière Oromi tremblante et en pleurs. Janelle qui avait vu la scène de loin s'avança et gifla Darhana en lui disant que ce qu'elle venait de faire était inexcusable, surtout contre une plus petite. Quand Darhana essaya de se justifier, elle ajouta qu'une fois encore, elle avait voulu décider pour les autres, mais la mention d'Asmodée l'inquiéta et elle interrogea Oromi du regard. Je n'avais jamais vu Oromi se mettre en colère, mais avec le ton sévère cassant qu'il employa pour répondre à Darhana que ce n'était rien de plus qu'une marque de naissance, il aurait pu ordonner à une pierre de se fendre en deux et quand elle tarda à me présenter des excuses, son regard durcit au point de perdre toute trace de sa bonté coutumière forçant Darhana à reculer comme sous un coup. Elle s'excusa finalement de mauvaise grâce, et pendant que nous nous éloignions, j'entendais encore Janelle faire la leçon à Darhana et exiger qu'elle ne dise rien aux autres de ce qu'elle avait cru voire. Oromi me pris par la main et me ramena, toujours en pleurs vers le campement. Il m’installa près du feu qu’il ranima en m'enveloppant dans une couverture pour me sécher. Les autres gens étaient devant le cercle de pierre pour accueillir les trois personnes qui nous avaient suivies en montagne. Il y avait un homme très vieux, qui avançait lentement appuié lourdement sur un bâton sculpé de façon complexe, un homme plus jeune le soutenant qui portais une sorte d'épaulière en cuir très épais et griffé et une elfe portant un jeune enfant endormi dans son dos qui semblait tout aussi fatiguée que le vieil homme. A la lisière du bois, un petit ours des montagnes s'était arrêté pour dévorer un buisson de baies et un aigle se posa sur l'épaule de l'homme en planant.
Oromi me laissa quelques instants seule pour aller saluer les nouveaux venus et revins avec une poignée de baies très sucrées que j'aimais beaucoup. Attisant le feu pour que je n'aie pas froid, il m'expliqua enfin pourquoi nous étions venu jusqu'ici. Oromi était un druide; çà je le savais, mais lui et tous ces gens étaient particuliers. Ils se nommaient eux-mêmes les Gardiens; leur rôle étai de veiller à ce qu'une importante forme d'équilibre naturel soit maintenue dans cette partie du monde comme d'autres le faisait ailleurs. Oromi m'avait emmené ici parce qu'il pensait que j'avais les dons nécessaires, mais que pour qu'il en soit sur, je devais aller sur l'ile du lac le lendemain, jour de solstice du printemps. Il refusa de m'en dire plus sur ce que je trouverais sur l'ile, mais qu'il ne doutait pas de son choix. Lintuilë était revenu quémander quelques fruits, craignant sans doute l'aigle des derniers arrivants. Il termina en m'expliquant qu'il n'était pas revenu au lac depuis la mort de son épouse. A l'époque, Janelle qui n’étais qu’au début de son apprentissage devait avoir environs mon âge l'âge et que c'était la raison de l'étonnement des autres druides dont certains ne le connaissait que de réputation, étant trop jeunes pour l'avoir connu. Tous le temps où nous discutions, les autres s'étaient éloignés pour les préparatifs de la cérémonie du lendemain sauf le vieil homme qui s'était assoupi sous un arbre et l'elfe qui nourrissait son enfant. Le tas de bois que Darhana avait empilé non loin de nous tout au long de l'après-midi en me lançant des regards assassins s'était peu à peu élevé et le soir tombait ramenant les autres vers nous en compagnie de deux derniers arrivants dont les visages couverts de tatouages faisaient ressortir les yeux très clairs. Durant le repas, Oromi me présenta officiellement comme son apprentie et leur annonça à tous que j'irais sur l'ile le lendemain. L'annonce provoqua un certain remous quand en m'avançant, ils purent voir mon visage à la lueur des flammes. Très inquiète quant à leurs réactions, je serais la main d'Oromi à la recherche d'un appui mais n'osant pas lever les yeux du sol. Pour clore le débat, Oromi leur rappela à tous que le choix de son apprentis revenait à lui seul et que ceux qui avaient pactisé avec Asmodée comme ils semblaient tous craindre que je l'aie fait, avaient été bien plus durement marqués que par une simple tache. Certains se rendirent à ses arguments, d'autres auraient voulu appliquer le principe de précaution, mais aucun ne pouvait formellement s'opposer à la décision d'Oromi. Grâce à l'appui d'Oromi, je trouvais le courage de relever la tête et pour la première fois faire face à mes détracteurs. Certaine qu'il ne me lâcherait pas, je desserrais un pas la main, et affrontais du regard Darhana qui naturellement s'était rangée du côté de ceux qui désapprouvaient Oromi au plus haut point. La haine de l'inconnu brulait dans ses yeux, mais je réussis à soutenir son regard quelques secondes. Je ne savais pas ce qui m'attendais le lendemain, mais j'avais appris une importante leçon ce soir-là: je n'avais pas à toujours subir les coups, il était possible de me défendre et surtout, j'en avais le droit.
Le voyage avait été très long pour moi et j'avais pu lutter contre le sommeil jusqu'ici, mais il me gagnait peu à peu. Ce que j'avais pris à notre arrivée pour une colline s'avéra être une sorte de tumulus dans lequel nous nous installâmes pour la nuit. Les adultes vinrent se coucher peu à peu et le bruit des conversations s'estompa au fur et à mesure que la lueur du feu diminuait, mais j'eus du mal à m'endormir, j'entendais souvent le murmure de voix ici. Elles ne m'effrayaient pas puisqu'elles avaient toujours été présentes pour moi, mais elles semblaient plus nombreuses. Dormir parmi tant d'étrangers, dont certains hostiles ne me rassurait pas non plus aussi quand les pleurs du fils de l'elfe me réveillèrent durant la nuit, je vins me blottir contre Oromi comme les nuits où l'orage m'effrayait.
Le lendemain, Oromi me réveilla avant l'aube en m'apportant ,une toute petite portion de bouillie de céréales et en me pressant de finir. J'aurais aimé en avoir plus, mais il m'entraina vers le cercle en disant que ce serait sans doute plus facile pour moi avec si peu. En pénétrant dans le cercle de pierre, je remarquais qu'elles certaines avaient été débarrassées de la couche de mousse qui s'y était accumulé. Tous les druides étaient présents et leurs compagnons aussi, à la périphérie du cercle, fixant silencieusement la porte. Pressentant que le moment était important, je me tus, mais je me demandais vraiment ce qui allait se passer. Les portes sont faites pour ouvrir ou fermer une pièce, celle-ci ne donnait sur rien. Quelque chose allait-il sortir de la porte? Le soleil se leva et répondit à ma question alors que ses premiers rayons éclairaient les pierres, faisant ressortir les ombres de gravures si usées qu'on les devinait à peine. Le soleil passa exactement dans la porte, puis les gravures disparurent alors que le soleil s'élevait; le jour de l'équinoxe de printemps commençait. Puis Oromi m'emmena vers le lac où une barque nous attendait en me disant que j'aurais à passer le reste de la journée seule sur l'ile un peu plus loin. Quand je lui demandais ce que je devrais y faire, il me répondit d'un air mystérieux que les mots ne pouvaient pas vraiment expliquer et que de toute façon, je ne serais pas en mesure de comprendre avant le soir. Sa réponse sibylline me plongea dans une profonde perplexité. Qu'allais-je trouver sur cette ile? Et comment savoir ce que j'étais supposée y faire si personne ne m'expliquait? Cette partie du lac n'était profond et la gaffe nous poussa rapidement aux abords de l'ile encore entourée des brumes de la nuit. Je cessais de me poser des questions alors que nous approchions du bord, il y avait de plus en plus de voix et je n'arrivais plus à les ignorer.
https://www.youtube.com/watch?v=4frjomNvk28&feature=bf_prev&list=PLDEBCF049C656E50A&lf=results_main
En sautant hors de l'embarcation, j'eus deux chocs; non seulement l'eau était encore plus froide que la veille, mais le sol rendait une impression totalement différente ici. Le temps que je revienne de ma surprise, Oromi avait déjà fait demi-tour, je n'avais d'autre choix que d’approcher de cet endroit étrange, mais plus je m'approchais et plus les voix se faisaient présentes. L'ile n'était pas grande, ce n'étais qu'un cercle de buissons entourant une autre pierre gravée dans une petite clairière, mais je le remarquais à peine. Les voix qui habituellement n’étaient que des murmures occasionnels à peine audibles s'étaient muées en une cacophonie insupportable. J'avais l'impression d'être au milieu d'une foule et que tous essayaient de me parler en même temps. Quant au sol, j'aurais vraiment aimé pouvoir m'en détacher, tout autour de moi, chaque brin d'herbe, chaque feuille contenait une parcelle de cette chose différente que j'avais ressenti en débarquant; même l'air semblait pulser au rythme de quelque chose que je ne pouvais pas voire. C'en était trop pour moi, je titubais jusque la clairière et je m'effondrais, terrassée par le phénomène. Je devais absolument faire taire ces voix! A tout prix!!! Nauséeuse j'essayais d'appeler à l'aide, mais tout ce qui sortit de ma gorge fut la bouillie du matin. Alors je fis ce que j'avais toujours fait depuis toute petite, attendre que l'agression cesse. Juste me recroqueviller et attendre que ça passe. Je ne m'en rendis pas vraiment compte, mais les battements de mon cœur finirent par se mettre au même rythme que la pulsion de l'air et ma respiration se ralentis. Toutes ces choses ne me faisaient du mal que si je luttais contre elles. En lachant prise, les voix se firent plus distinctes et je réussi à les comprendre peu à peu. Elles n'étaient pas hostiles, simplement présentes pour qui pouvait les entendre. En les écoutants, je compris que la pulsion de l'air et la sensation du sol n'étaient que deux manifestations d'une force très puisante sur l'ile, une chose qui lui donnait presque une conscience et dont les voix appréciaient la présence. Ouvrant les yeux, je devinais plus que je ne vis l'origine des voix; ils étaient présents tout autour de moi, dans l'air, sur chaque plante, chaque pierre et au fond de moi, je savais qu'ils y avaient toujours été, ici comme partout ailleurs. La force qui émanait du sol m'enveloppait comme une seconde peau, s'insinuait en moi, m'englobait dans le Tout. M’immergeant dans cette sensation de ne plus être qu'une extension de la terre sur laquelle j'étais allongée, je n'étais pas endormie, mais plus vraiment consciente non plus. Un seul moment se prolongeait indéfiniment et le temps perdait tout sens. La nuit était déjà tombée quand Oromi et Janelle revinrent me chercher. Quand Oromi me souleva pour m'emporter, j'eus la sensation d'être un poisson brusquement tiré de son élément vitale. Etendue dans la barque, je n'arrivais pas à m'arrêter de trembler, reprenant douloureusement conscience de mon corps et peinant respirer.
Janelle me fit boire quelque chose qui me donna instantanément très chaud, mais je continuais de trembler, presque à m'en casser les dents. Je ne refis complètement surface qu'à une heure avancée de la nuit allongée près d'un feu sur les rives du lac. Oromi m'attendais et je m'aperçus que j'avais très faim quand il me tendit une écuelle en reprenant la fin de sa phrase du matin; "très difficile à décrire avec des mots et impossible à comprendre sans l'avoir vécu". Je n'avais pas sommeil et Oromi accepta enfin de répondre à mes questions. Peut-être parce qu'inhabitée et peu souvent traversée, la vallée était fortement imprégnée d'énergie primale qui se concentrait à son exacte centre, sur l'ile, à un degré presque dangereux; si j'étais restée plus longtemps, j'aurais fini par mourir de faim et de soif sans même m'en rendre compte. C'était cette énergie que j'avais ressenti et les voix étaient des esprits primaux, forts présents en ces lieux à cause de la haute concentration d'énergie. L'énergie primale était une force vive présente partout à des degrés divers et les druides tiraient leurs pouvoirs de cette énergie. Les esprits primaux vivaient par cette énergie, plus il y en avait, plus ils étaient présents; notre capacité à les entendre découlait de celle de pouvoir manipuler cette énergie. Toutefois, pouvoir les entendre aussi nettement était particulièrement exceptionnel et la plupart du temps, ce n'était effectivement que des murmures qui nous parvenaient d'eux. La responsabilité des Gardiens était d'utiliser cette source d'énergie pour veiller à ce que l'Equilibre soit maintenu. L'Equilibre se maintenait tant que les cycles naturels perduraient. La nature pouvait lentement corriger d'elle-même le déséquilibre jusqu'à un certain degré, mais s'il provenait d'une influence extérieur, et c'était souvent le cas, c'était aux Gardiens d'intervenir pour restaurer les cycles. Les Gardiens, très éparpillés, avaient pour habitude de se retrouver aux équinoxes, jour d'équilibre parfait entre le jour et la nuit, dans cette vallée et d'autres rares endroits à haute concentration d'énergie primale, pour faire le point sur la situation, prendre les décisions importantes et présenter leurs apprenti. Chaque réponse d'Oromi faisait naitre d'autres questions et nous parlâmes jusqu'à ce que le jour soit complètement levé et que certains druides se préparent déjà au départ.
Janelle et sa nièce furent dans les premiers à partir avec le druide à l’aigle qui avait réclamé son aide pour des affaires urgentes à régler au-delà de la chaine montagneuse du sud d'où elles venaient. Avant de partir, Janelle vint nous faire ses adieux et en écoutant la conversation, je compris pourquoi Janelle respectais tant Oromi. Le maitre de Janelle, Marhand Bearcharger, avait été le seul autre apprenti d'Oromi. Marhand avait eu le temps de grandir et de commencer à former Janelle avant qu'Oromi ne cesse de se manifester, peu après la mort de son épouse. Les plus âgés n'avaient connus Oromi que comme apprentis, mais il était encore extrêmement respecté par tous comme le plus expérimenté et l’un des plus puissants. Quant à Darhana, je retrouvais dans ses yeux les mêmes lueurs qu'au village, colère et peur alimentées par la superstition ; le tout attisé par la ranqueur. Nous restâmes encore deux jours avant de partir à notre tour. Sans devoir être constamment sur mes gardes pour que Darhana ne se venge pas, cet endroit était paradisiaque. Maintenant que je savais ce que je cherchais, je pouvais sentir le courant d'énergie primale traversant la vallée et j'étais plus attentive aux esprits primaux. Le voyage de retour fut plus long parce que nous raccompagnâmes le très vieil homme, ancien compagnon d'Oromi, jusqu'au bas de la montagne avec l’elfe et son enfant.
Alors que les années passaient, j’appris à manipuler l’énergie primale pour créer ou détruire et à comprendre d'avantage les cycles qui gouvernaient la nature, en ayant avec toujours le souci de préserver l'Equilibre dont nous, les Gardiens, étions les protecteurs. Nous ne devions plus retourner à la vallée cachée avant qu'Oromi n'aie terminé ma formation, mais je n'oublierais jamais cette journée d'équinoxe où j'avais pris toute la mesure de la puissance de l'énergie primale avec cet avertissement impératif, si je ne contrôlais pas ce que je faisais, elle pouvait me détruire sans que je m'en rende seulement compte en plus d’aggraver le déséquilibre que je souhaitais corriger.
En grandissant, je devins aussi plus indépendante et je me mis à arpenter les bois seule, parfois durant de longues périodes, écoutant la forêt et ses esprits, mais revenant toujours vers celui que j’avais fini par appeler yéntaro. Lors de mes escapades, j’avais fini par me faire accepter par une meute de loups qui devinrent, avec Oromi, ma famille. Il y avait Ontari, qui m’avait acceptée la première et Nahta, toujours sur le qui-vive, et leur première portée: Sinde, que la lumière de la lune rendait presque blanche hormis le bout de sa queue noire, Roimë, à qui aucune proie n’échappait jamais, Hiswa, à l’oreille fendue et Sermo, en qui j’avais trouvé mon compagnon animal.
Mais alors que je grandissais, le l'âge se rappela à Oromi dont le visage semblait pourtant inaltérable. Et alors que la couleur de ses yeux se voilait peu à peu, il devint aveugle. Étrangement, la perte d'un sens ne sembla pas le gêner beaucoup. De la même façon que je comprenais Sermo, le lien particulier qu’avait noué Oromi avec Lintuilë faisait qu’il était devenu ses yeux en mon absence. Son seul regret disait-il était de ne plus pouvoir contempler les couleurs de la forêt. Mais tout le reste ajoutait-il, il le voyait; d'une autre façon.
Quoiqu’inhabitée, notre forêt voyait parfois passer des étrangers, marchands, chasseurs ou bucherons qui ne s'attardaient pas. Il y avait aussi quelques gardes forestiers, qui restaient plus longtemps. Ils savaient que je vivais avec Oromi, je savais qu'ils passaient parfois près de chez nous, mais je les évitais la plupart du temps. Il m’arrivait de les observer de loin et ils me voyaient parfois, mais la marque sur mon visage les inquiétait tous un peu. Quand il leur arrivait de s'aventurer jusque la hutte d'Oromi, je m'éloignais toujours. N'ayant que de pénibles souvenirs des hommes, je me défiais d'eux; en Oromi seul je plaçais ma confiance. Toutefois, l'hiver de mes onze ans, une recontre permis par me réconcilier avec les gens.
J'étais sortie chercher de l'eau, mais la glace avait entièrement pris le ruisseau; j'avais donc dû aller en chercher à la rivière, beaucoup plus loin. Sur le trajet du retour, je sentis une violente douleur à ma jambe droite avant de m'effondrer. Je venais de poser le pied dans un piège dont les mâchoires glacées mordaient cruellement ma chair. Qui avait pu oser laisser pareil objet si près de chez nous? Je haïssais ce genre de piège, ils laissaient l'animal agoniser pendant des jours s'il n'était pas attaqué par un prédateur. Les chasseurs avaient fini par comprendre que ceux qui posaient des pièges n’étaient pas les bienvenus dans cette partie de la forêt. Je n'avais pas la force nécessaire pour ouvrir le mécanisme rouillé et j'étais trop loin pour qu'Oromi m'entende. Je ne pouvais qu'attendre que Sermo parti chasser de son côté, mais il faisait de plus en plus froid. Si je tentais de me débarrasser du piège autrement qu'en l'ouvrant, je ne ferais qu'approfondir ma blessure. Le gel me touchait d'autant plus durement que dans ma chute, j'avais lâché mon seau et une partie de l'eau s'était répandue sur mes vêtements. Le froid commençait à me paralyser, mais je ne voyais pas comment me sortir de cette situation. Quand bien même me serais-je tranché la jambe comme certains animaux quand ils sont pris dans ces pièges pièges, j'étais loin du niveau de maitrise de l'énergie primale nécessaire pour refermer rapidement une plaie si importantes, je me serais vidée de mon sang avant d'être à mi-chemin de la hutte.
C'est ce jour là que je fis la connaissance d'Everan l'aventurier. Je l'avais déjà vu, souvent avec un humain barbu de la garde forestière et il avait dû me remarquer aussi, mais je ne l'avais jamais approché. Everan ouvrit le piège presque sans effort et m'aida à regagner la hutte poussant la galanterie jusqu’à retourner chercher lui même de l’eau à ma place. Le temps que je passe des vêtements secs, Everan et Oromi s'étaient plongés dans une profonde discussion à mon sujet. Oromi pouvait m'enseigner bien des choses, mais pas toutes.
Erevan m'enseigna un domaine aussi fondamental pour la survie que la traque du gibier: les armes. Dans un monde où la plupart des gens me seraient d’emblée hostiles à cause de la marque d'Asmodée sur ma joue, le maniement des armes pourrait bien me sauver la vie. Erevan m'enseigna le combat au sabre et à la lance et me perfectionna dans le maniement du poignard. Pour ce-faire, je m'étais installée près de la ville de Fallcrest où Everan vivait. Je me mis aussi à fréquenter occasionnellement les gardes forestiers en compagnie de mon professeur, plus nombreux dans cette partie de la forêt proche de la ville, qui s'étaient peu à peu habitués à ma présence autour d’eux et avaient fini pour certains à m'admettre près de leur feu de camp le soir. L'automne de mes treize ans, Everan me dit que je devrais parfaire mon apprentissage seule par l’expérience et m'offrit un sabre en guise de diplôme. Très fière de ce présent, je retournai chez moi; je n'avais plus vu Oromi depuis la fin du printemps. Ce que je trouvai en rentrant me choqua. Comment pouvait-on changer si vite? Je retrouvais mon yéntaro fatigué, le geste incertain, comme si le poids de plusieurs décennies s'étaient abattues sur cet être qui j'aurais cru presque immuable.
Les visites d'Everan s'espacèrent à cause de la distance et je repris mes habitudes, mais en restant d'avantage auprès d'Oromi qui avait besoin de moi à présent. Durant le printemps de ma quatorzième année, Everan quitta définitivement Fallcrest. Lorsqu'il vint nous dire adieu, il me recommanda bien de ne rien oublier de ce qu'il m'avait enseigné et me rappela que maintenant, j'étais de taille à affronter le monde s'il me prenait un jour l'envie de quitter la forêt. Mais pourquoi l'aurais-je fait? Tous ceux que j'aimais étaient ici et la forêt était un abri sûr pour moi. Je n'avais aucune raison de partir, mais j'avais l'intuition que les enseignements d'Everan pourraient me servir un jour. Le départ d'Everan me peina, mais il aurait été vain de tenter de le retenir; c'était un migrateur dans l'âme. Il s'installait pour quelques temps, puis poursuivait sa route vers ailleurs. Mais j'allais subir une bien plus grande perte cet été là.
Comme souvent, Oromi s'était installé dans la clairière du ruisseau, d'où il écoutait la forêt et son équilibre si délicat. Mais ce jour là, ses mouvements semblaient pénibles, comme si marcher lui demandait un réel effort. Je décidai de partir chasser, mais sans la meute, je voulais une bête entière La viande d'un daim ou d'une biche rendrait des forces à Oromi, j'en étais certaine. En tout cas d'avantage que les lapins ou les oiseaux que je piégeais parfois. Je cherchais Oromi pour lui dire que j'allais m'absenter peut-être jusque le lendemain pour chasser. Je le trouvai adossé contre un groupe de rochers que le soleil réchauffait et où il avait pris l'habitude de s’assoir. Il me souhaita bonne chasse et avant de partir, il me dit une phrase que je ne compris pas sur le moment, mais qui avec le recul aurait du me faire comprendre ce qu'il allait advenir. Ne reste pas seule trop longtemps, yéntimë, ou comme moi, la solitude finira par t'enchainer à un poids dont tu ne pourras te défaire me dit-il avec des inflexions de voix qui jetèrent une ombre sur mon cœur sans que je parvienne à en déterminer la cause. J'eus beaucoup de chance et je trouvais rapidement la piste d'un jeune daim qui était passé il y a peu près de la rivière. Je n'aurais pas pu trouver mieux, le foie de ce daim était ce qu'il fallait pour rendre ses forces à mon yéntaro. Je rentrais, peinant sous le poids de ma proie, un peu avant le crépuscule heureuse par avance du repas que nous allions faire quand le Grand Chagrin se jeta sur moi comme un serpent fond sur sa proie.
Je retrouvai Oromi dans la clairière là où je l'avais laissé au matin, mais je n'eus pas besoin de l'approcher pour savoir qu'il ne s’était pas endormi. Il était assis dans le creux des rochers, le dos très droit contre une pierre, qui lui donnait l'allure d'un seigneur de la forêt régnant depuis ce trône de pierre. Son visage reflétait le calme de sa méditation, mais il ne respirait plus. Il s'était éteint durant ma brève absence en écoutant sa forêt. J'eu l'impression que quelque chose m’arrachait le cœur, mais ne me laissait pas mourir pour prolonger d’avantage mon supplice; celui qui avait été le centre de mon univers n'étais plus. Mes jambes se dérobèrent sous moi et mes cris furent ceux d'une bête blessée à mort alors qu'un orage éclatait. La nuit venue, la pluie se mit à tomber, violente et tiède, comme si le ciel lui-même pleurait avec moi pendant que je veillais le corps. Je ne parvins à me calmer que le lendemain, mais le Grand Chagrin me dévorait les entrailles. Chaque geste pour m'éloigner d'Oromi était une douleur. Creuser sa tombe fût une véritable torture et j'eus l'impression que chaque motte de terre que je posais sur lui était un coup de poignard que je lui donnais pour le tuer une seconde fois. J'enterrais Oromi sous un merisier à la floraison anormalement tardive, à côté de la tombe couverte de pétales de fleurs où reposait sa femme depuis le passage de la Bloodspear sur le val de Nentir. Une fois ce macabre travail accompli, je restais prostrée près de la tombe plusieurs jours, tour à tour souhaitant le rejoindre ou me demandant ce que j'avais fait de mal pour qu'il m'abandonne lui aussi.
Mais la Vie semblait vouloir que je reste et se rappela à moi par l'intermédiaire de Sermo qui percevait ma détresse, me crut malade puisque je ne bougeais plus et me rapporta un lapin pour que je mange en me léchant le visage pour me faire réagir. Ce tendre geste d'affection me rappela que j'avais encore une famille: la meute. Je quittais la clairière, la hutte et le ruisseau sans me retourner, sans rien emporter sinon des souvenirs, et je partis vivre avec la meute. Je me déplaçais avec eux, chassais avec eux, dormais avec eux; j'appartenais à la meute, perdant presque mon odeur humaine pour ne faire plus qu’un avec mes frères. Avec le temps, j'appris aussi à négocier avec le Grand Chagrin, il ne me tuait plus et je n'essayais pas de le repousser. Il restait tapi au fond de mon âme, me couvrant comme un lourd manteau, s'insinuant un peu dans tout ce que je faisais, mais ce n'était plus la bête enragée qui m'avait frappée quand j'avais retrouvé mon yéntaro sans vie. Et même si je gardais une plaie dans mon cœur, les cycles continuaient à s’écouler autour de moi. A la fin du printemps suivant, Ontari eut une nouvelle portée et je retrouvais un certain équilibre à m’occuper des petits.

Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: bg proprement dit PART 3/3   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyJeu 26 Jan - 0:10

PARTIE III: SANS FAMILLE
Mais le destin ne voulait pas me voire en paix, et il me frappa à nouveau, par la main des chasseurs cette fois. Ils vinrent dans ma seizième année, armés de filets et de flèches. Je m’étais éloignée un peu pour chercher des baies et des racines, la viande crue ne me suffisant pas tout à fait, quand ils attaquèrent. Je ne sais comment ils s’y prirent pour tromper la vigilance de Nahta, mais en un rien de temps, ils firent un massacre. Immobilisant Hiswa dans un filet, ils exterminèrent tous les autres, les criblant de flèches. Face à ce carnage inutile, la rage me submergea et je me jetais sur les meurtriers de ma famille alors qu’ils les écorchaient. Seule et armée d’un simple poignard, je fus assez vite maitrisée par ces six hommes qui avaient dus repérer mes traces dans la tanière. Emprisonnée moi aussi dans un filet, quelque chose heurta ma nuque et tout devins sombre. Quand je revins à moi, j’étais attachée et bâillonnée au fond d’une charrette, Hiswa dans une cage à côté de moi. Deux des petits étaient encore vivants, j’entendais leurs jappements de détresse s’échapper d’un sac et les dépouilles des autres loups étaient empilées autour de nous.
J’entendais les chasseurs discuter en marchant, ils pensaient nous revendre à Fallcrest ou à Wintherhaven calculant déjà le prix que nous leur rapporterions en plus des peaux. Je ne pouvais pas les laisser vendre mes frères et sœurs et nous séparer! Nous étions une meute, comment survivre sans famille? Quand les chasseurs s’arrêtèrent pour la nuit, je décidais de passer à l’action. En m’arcboutant un peu, je réussi à me mettre à portée de Hiswa qui rongea les liens qui enserraient mes poignets. Les membres engourdis par les cordes, je défis maladroitement le sac pour libérer les petits, mais ce fut peine perdue, j’en trouvais un mort étouffé, le second l‘était presque et le troisième avait deux pates cassées. Mon cœur se brisa quand je compris que je ne parviendrais jamais à les emmener. Ce n’était qu’une question de temps avant que le second ne meure, et le troisième ne pourrait plus jamais courir avec les pattes brisées de cette façon. En sanglotant, je fis la seule chose qui était en mon pouvoir pour mettre fin à leurs souffrances ; et je les achevais en leur brisant la nuque sous le regard accusateur d'Hiswa. Une présence familière effleura les bords de ma conscience, Sermo était vivant! Il avait réchappé du massacre et avait suivi la charrette attendant que je lui dise quoi faire contre ces humains dangereux. Je lui ordonnais de rester éloigné, c’était nous qui allions le rejoindre. Mais toute concentrée sur la façon d’ouvrir la cage, je n’avais pas entendu la sentinelle s’approcher et je fus jetée hors de la charrette alors que les autres hommes se réveillaient.
Pour mon malheur, le feu éclaira mon visage et les hommes virent ma joue que le bâillon avait nettoyée. Le carmin de la marque d'Asmodée se détachait nettement du reste de mon visage très pâle. Ils se jetèrent sur moi tous en même temps, cette fois, ils m’entravèrent complètement, je ne pouvais absolument plus bouger. En me remettant dans la charrette, ils virent le sac ouvert et les louveteaux la nuque brisée. Ils me le firent payer très cher et je reçu cette fois beaucoup de coups très violents dont certains à la tête. Mais je devinais que les coups allaient continuer à pleuvoir bien après que je sois tombée dans l’inconscience. Ma dernière pensée alla vers Sermo. Surtout n’approche pas…
En quittant la forêt, je repris conscience, et le Grand Chagrin se déchaina à nouveau dans mon âme. Presque toute ma famille était morte, et j’avais achevé les survivants les plus faibles. Tout mon corps me faisait souffrir et mes pensées se brouillaient. Chaque cahot de la route semblait se répercuter dans mon crâne et la lumière me brulait les yeux. La nausée m’envahissait, mais si je vomissais avec mon bâillon, j’allais m’étouffer. Plus le temps passait et plus ma tête me faisait mal et j'avais du mal à respirer, ils avaient dus me fêler des côtes. Je me sentais mourir, peu à peu faute de réussir à me concentrer suffisamment pour invoquer le pouvoir curatif de l'énergie primale. Quand les chasseurs s’arrêtèrent dans une ville, je les vis discuter avec un groupe d’hommes en désignant la charrette. Je ne voyais pas bien, partiellement recouverte par les peaux de mes frères, mais suffisamment pour voir ce qu’il advint de Hiswa quand il fut sorti de la cage. Ils l’enchainèrent à un mur proche et le firent combattre des chiens jusqu’à ce qu’il tombe sous les assauts des molosses qui déchirèrent son cadavre encore palpitant. Pour lui venir en aide, j’essayais de me libérer, mais les cordes étaient solides et mes côtes pas loin de totalement céder, je le sentais bien. Je ne pouvais qu’assister impuissante à cet affreux spectacle encouragé par la foule qui s’était approchée. Je ne percevais plus Sermo. M'avait-il abandonné lui aussi? Ou bien avait-il été tué aux abords de la ville ?
Alors, j'étais seule et entourée d'ennemis. Toute ma famille était morte, et j'allais bientôt les suivre dans la tombe. Ma tête me faisait atrocement souffrir, j'avais l'impression que mon crâne allait exploser à force de sentir les battements de mon cœur s'y répercuter et ma vue se brouillait de plus en plus. Une bile amère me monta aux lèvres, mais le bâillon m'empêcha de la recracher. Le liquide se répandit dans ma gorge et je commençais à étouffer. Dans un sursaut d'instinct de survie, j'essayais une nouvelle fois de me défaire de mes liens, mais je pus remuer juste assez pour rouler hors du tas de peaux et me briser plusieurs côtes cette fois. Quelqu'un dut bien se rendre compte que je m'étranglais, parce que le bâillon me fut ôté et je pus cracher tout ce liquide brulant. Des mains prirent mon visage pour me redresser la tête. Qu’allait-il se passer encore ? Ne m’avait-on pas assez maltraitée ? Il ne me faudrait plus beaucoup de temps avant de mourir, alors qu’on me laisse en paix maintenant ! Décidée à ne pas me laisser encore tourmenter, je tentais de mordre mon agresseur, mais j’eus du mal à seulement tourner la tête. Enfin les ténèbres me submergèrent et j’accueillis l’inconscience avec reconnaissance. Là-bas au moins, la douleur cesserait et le Grand Chagrin ne pourrait pas me suivre.
A mon réveil, j’étais désorientée, dans un lieu inconnu, allongée sur la couche la plus molle que j'aie jamais sentie. Dans la pièce flottait une odeur que je connaissais mais sur laquelle je ne parvenais pas à mettre un nom. Le jour naissant filtrait à travers des volets mi-clos et les premiers rayons du soleil éclairaient une femme endormie dans un fauteuil près de moi. J’avais très soif et je vis une cruche posée sur une table un peu plus loin avec les restes d'un repas. J’essayais de l’atteindre, en dépit de mes côtes douloureuses mais je constatais avec terreur que mes jambes refusaient de m’obéir. Mon cri de surprise réveilla la femme qui se leva et s’approcha. J’étais sans armes et immobilisée, oui, mais certainement pas sans défense. Je ne voulais pas que cette inconnue s’approche de moi pour encore me faire souffrir et je le lui fis clairement comprendre. Elle me parla, mais je ne voulais pas écouter ce qu’elle avait à dire. Elle répéta sa phrase en elfique et le souvenir qui me fuyait revins brusquement; j’avais déjà senti cette odeur en beaucoup plus faible sur les vêtements d’Everan, c’était celle de sa compagne. Voyant que j’avais semblé comprendre ce qu’elle venait de dire, la femme continua à me parler en elfique. Elle me dit de ne surtout pas bouger à cause de mes blessures que je risquais d’empirer et m’expliqua comment elle m’avait trouvée. Elle s’appelait Keytara Wilmar et avait effectivement été la compagne d’Everan avant son départ de Fallcrest. Mes jambes n'avaient rien de vraiment grave, aussi ne comprenait-elle pas non plus pourquoi je ne parvenais pas à bouger; mais la personne qui m'avait soignée le saurait certainement.
Soudain, je me figeais, des pas venaient dans notre direction. Keytara m’assura que j’étais en parfaite sécurité ici, et sortis à la rencontre de l’intrus. Elle revint accompagnée d’un homme qu’elle me présenta comme son ami Chardon de Valbrave qui m’avait soigné après qu'elle m'eût ramenée ici avec l'aide de son frère Gareth. Il portait un insigne de Pelor, mais ne semblait pas hostile à mon égard bien qu'il voie parfaitement ma joue. Tout de même méfiante, je le jaugeais quelques instants en plongeant les yeux dans son regard, puis baissait la tête en signe d'assentiment; il pouvait approcher. Certainement conscient de mes réticences, il se garda bien de faire le moindre geste brusque et c'est avec d'infinies précautions qu'il resserra les bandages maintenant mes côtes, et refit certains pansements. Observant mes plaies, je constatais qu'elles étaient nombreuses, mais pas très profondes. Avec ce que m'avait enseigné Oromi, ce n'étais pas très difficile de les faire se refermer rapidement. Je fermais les yeux, pour me concentrer d'avantage, Envinyata! murmurais-je. Et il ne se passa rien; pire encore, je ne trouvais rien. Que m'arrivait-il? Mon visage du se décomposer, parce que Shardon me rallongea tout de suite et porta un verre à mes lèvres. Je pris alors seulement conscience du silence et du vide qui régnait dans la pièce. Je ne trouvais aucune trace d'énergie primale. C'était impossible! Je réussi enfin à articuler une explication pour les deux personnes à mon chevet qui avaient des mines très inquiètes. J'essayais de leur expliquer le problème, mais je ne comprenais pas moi-même sa nature. Shardon me regarda avec un air qui devait se vouloir rassurant, mais qu'il aurait pris pour affirmer à un mourant qu'il se remettrait. Ma paralysie et la perte de mes pouvoirs n'étaient pas si surprenants vu la torpeur dans laquelle j'étais tombée durant plusieurs jours. Quand une personne s'en réveillait, il n'était pas rare qu'elle ne soit plus tout à fait la même, qu'elle ait oublié des choses ou perdu certaines facultés; qui pouvaient revenir avec le temps. Quand Shardon eut terminé sa tâche, il entraina Keytara vers la porte, me laissant seule pour me reposer avec cette affreuse constatation, l'énergie primale était toujours présente, c'était moi qui ne parvenait plus à la joindre. J'aurais facilement les écouter à travers la porte, mais tout mon esprit était accaparé par cette constatation qui me glaçait le cœur. Si je ne manipulais plus l'énergie primale, qu'étais-je devenue? Rien…
https://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=A3hWRfNSF7Q&NR=1
Allongée dans cette chambre, les souvenirs des derniers évènements remontaient sans cesse à la surface de mon esprit, ne me laissant aucun instant de paix. Leur horreur me submergeait et le Grand Chagrin avec eux blessant mon âme bien plus que ne l'avait été mon corps. Toute ma famille était morte, je me retrouvais seule au monde une fois encore. Pourquoi ne m'avait-on pas laissé mourir avec eux? Les gens devaient avoir raison, j'apportais le mauvais œil et je finissais par provoquer la mort des gens auxquels j'avais le malheur de m'attacher. La tache sur mon visage était bien le signe d'une malédiction, j'étais condamnée à survivre aux miens et à souffrir. Les plaies se refermeraient, les os se ressouderaient, mais sans famille, privée de mes capacités, que me restait-il? Quelque chose s'était brisé en moi qui n’étais pas remplaçable, comme si j'avais perdu un sens en plus d'être devenue infirme. Je me rétablissais très lentement, faute d'y mettre assez de volonté disait Chardon. Mais en dépit de tous leurs soins, mes jambes ne bougeaient toujours pas. Je me murais dans un silence endeuillé que Keytara respectait, ayant elle aussi été torturée par le Grand Chagrin à une époque, attendant que je sois prête à parler de nouveau.
Il fallait bien me rendre à l'évidence quoiqu’appelant la Reine Corneille de tous mes vœux, cette fois encore, je survivrais. Ne pouvant me mouvoir par moi-même, Keytara m'installait aussi confortablement que possible quand elle s’absentait à la bibliothèque, mais rester confinée dans cette chambre, même les fenêtres grandes ouvertes m’angoissait. Il me semblait parfois que la pièce rapetissait, les murs cherchant à m'écraser et je peinais à respirer. Un soir, n'y tenant plus, je tentais malgré tout d'échapper à ces murs qui essayaient de me tuer. En rampant, je m'approchais, centimètres après centimètres, de la porte, le souffle court. Mais terrassée par le sentiment d'écrasement, je m'arrêtai à mi-parcours, incapable d'aller plus loin et respirant de plus en plus difficilement. C'est ainsi que Keytara et Quinn, qui était venu prendre de mes nouvelles, me trouvèrent en rentrant. Keytara, craignant que je ne sois tombée se précipita l'air affolée. Quinn me regarda quelques instants, et m'emmena rapidement dehors. Enfin libérée de cette cage, je sentais à nouveau le vent sur mon visage et je perdis mon regard dans la mer infinie d'étoiles, regagnant progressivement mon calme et retrouvant mon souffle.
Keytara s’excusa de ne pas avoir compris plutôt que j’avais besoin de sortir parfois et d’avoir provoqué cet état. Je ne lui en gardais pas rancune, comment un oiseau né dans une cage pourrait-il comprendre qu’un autre oiseau a besoin de voler parfois ? Toutefois, je sentais bien que si je retournais dans cette maudite pièce, tout recommencerait. Perplexe, Keytara rentra quelques instants et revint avec une lampe. Nous nous installâmes sur un banc appuyé à la maison et Quinn commença le récit d’une de ses aventures de jeunesse comme il en avait l’habitude.
Quinn avait beaucoup vécu et parcouru le monde, il y avait des choses à apprendre de ses récits. Pourtant, ce soir, je ne l’écoutais pas lui, mais quelque chose de beaucoup plus lointain. Allongée dans l’herbe, il m’avait semblé un bref instant à nouveau ressentir le courant primal. Mais l’impression fugace avait duré moins d’une seconde et ce bruit autour de nous n’était que le murmure du vent. Pourtant, il me semblait qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que j’y arrive. Je me concentrais au maximum, me coupant de toute intrusion extérieure pour mieux chercher, mais je ne trouvai que le vide. Non, mon lien avec les forces primales était définitivement rompu, c’était inutile d’insister. Terriblement déçue, j’essayais de penser à autre chose en écoutant Quinn dont le récit n’en finissait pas et dont les paroles me bercèrent jusqu’à ce que je m’endorme.
Je fus réveillée par le soleil montant et l’odeur du thé que Keytara apportais. Comme tous les matins, elle avait fait un thé très équilibré assaisonné de pétales de roses qui vous sortaient doucement des brumes du sommeil. J’avais mieux dormi que d’habitude, en écoutant Quinn, j’étais tombée dans un sommeil sans rêves ou les souvenirs ne m’avaient pas poursuivie. Je me sentais mieux qu’à l’accoutumée, mon premier geste de la journée était généralement de pleurer sur les souvenirs de la nuit, mais les larmes ne vinrent pas ce matin. J’étais toujours prisonnière du Grand Chagrin, mais il avait oublié de me mordre le cœur à mon réveil.
En buvant silencieusement le thé que Keytara m’avait apporté, j’observais l’endroit où j’avais passé la nuit. Le jardin était entouré de murs qui l’isolaient du reste de la ville, couverts de chèvrefeuille dont le parfum se dissipait lentement et qui disputait l’espace à un rosier grimpant. Il y avait un carré de terre nue où des plantes comestibles poussaient dans un ordre totalement anormal et des ensembles de fleurs très colorées qui normalement n’auraient pas pousser côte à côte. Un tout petit sentier sablé partait de l’espace dallé devant la maison jusqu’au mur du fond où les lianes devaient sans doute dissimuler une sortie. Quelques moineaux cachés entre le feuilles se disputaient les premières baies rouges au sommet du mur.
La journée promettait d’être belle et je demandais à Keytara de me laisser ici le temps qu’elle se rende à son travail à la bibliothèque. Keytara me fit remarquer que je devrais bien rentrer un jour, mais accepta en promettant de revenir en début d'après-midi. Le soleil commençait à chauffer les pierres et un vent léger soufflait par intermittence. J'écoutais les gens vivres de l’autre côté des murs, je regardais les moineaux se poursuivre à travers le jardin; je n'étais pas heureuse, mais je me sentais plus apaisée qu'à l'ordinaire et je finis par tomber dans un demi-sommeil. Et le phénomène se reproduisit. Cette fois, j'en étais certaine, le courant primal! Un bref instant, je l'avais de nouveau perçu! Jusqu'au retour de Keytara, je cherchais, de toutes les façons de penser possibles, le moyen de recommencer, mais sans plus de succès que la nuit précédente. Perplexe, je m'en ouvris à Keytara après quelques hésitations. J'avais remarqué qu’elle aussi possédait des capacités hors normes. Comme elle n'en avait jamais parlé, j'avais fait mine de ne rien remarquer, mais je m'étais bien vite rendue compte que même si j'avais beaucoup maigri ces derniers temps, elle était loin d'avoir la force de me soulever, ce qu’elle faisait pourtant. Oromi m'avait parlé une fois de ses sanwecenda, des êtres capables d'aller jusqu'à soulever un objet par la seule force de leur volonté, mais extrêmement rares et qui se montraient discrets généralement. Aussi pour respecter son secret n'avais-je rien dit.
L'esprit de Keytara était beaucoup plus ordonné que le mien, à force de côtoyer les livres, elle avait fini par organiser ses pensées comme sa bibliothèque; rangeant chaque idée, chaque connaissance dans un ordre très précis qui lui permettait de se souvenir de beaucoup des choses qu'elle avait lue. Après un moment de réflexion, elle avança une hypothèse: puisque je ne parvenais à sentir les forces primales que quand je m'endormais, peut-être que me concentrer autant n'étais pas la bonne méthode. Peut-être n’étais-ce qu’une question de temps avant qu’ils n’émergent de ma conscience. Comme l’après-midi avançait, Keytara repartis à la bibliothèque. Pour lui faire plaisir, j’avais un peu mangé, mais j’avais aussi caché une partie du pain qu’elle m’avait donné dans une poche; je voulais tenter une expérience.
Quand je fus certaine que Keytara était bien partie, je tâchais d’appeler les oiseaux comme je le faisais autrefois. Les moineaux étaient plus gourmands que méfiants et je n’eus pas trop de mal à les convaincre d’approcher avec le pain. Cette petite victoire m’arracha un demi-sourire ; je savais encore faire certaines choses après tout.
Le soir venu, je m’endormis le cœur plus léger qu’à l’ordinaire. Ma famille me manquait bien sûr, mais je comprenais qu’il y avait peut-être un après pour moi. Bon gré mal gré, mes côtes finirent par guérir et je retrouvai un peu de liberté de mouvement. Mon âme souffrait toujours de la perte des miens, mais la peine s’était muée en une douleur sourde au lieu de cette plaie à vif au cœur. J’avais presque complètement domestiqué les oiseaux et ils approchaient dès que Keytara s’en allait, même les jours où je gardais la chambre. Quelle ne fut pas ma surprise et mon bonheur quand un jour, ce fut Lintuilë qui passa par la fenêtre. Comment m’avait-il retrouvé ? Peu m’importais, avec son chant, c’était un peu de mon passé qui revenait. Lintuilë semblait décidé à rester un moment avec moi, aussi le présentais-je dans les formes à Keytara.
https://www.youtube.com/watch?v=tVGprrog_Ww&feature=related
Les jours s’écoulaient lentement, entre la compagnie de Keytara, les visites de Quinn, le forestier, de Gareth, le frère de Keytara, et une certaine routine s’était établie. Mais mes jambes refusaient toujours de m’obéir et je ne parvenais à percevoir mes pouvoirs qu’à de brefs instants avant de m’endormir. J’avais supplié Melora de me rendre mes facultés, mais la Nature est peu encline à la pitié et je connaissais ses lois, un animal qui ne peut plus marcher est mort dans les heures qui suivent; aussi ne me faisais-je pas d’ilusion. Or, il sembla malgré tout que la déesse m’écoutât et me donne une chance. Un soir, Gareth qui était venu rendre visite à sa sœur eut un geste maladroit et renversa le pot de thé. Le liquide se répandit sur la table, puis sur mes genoux et je ne pus retenir un cri de douleur, l’eau était encore assez chaude. Mais ce qui nous stupéfia tous, ce fut qu’au moment de mon cri, par réflexe, mes jambes se contractèrent pour éviter le ruissèlement qui s’écoulait de la table. Je restais une seconde interdite, puis fis un second essai sans oser y croire. Je pouvais à nouveau bouger ! Keytara avait complètement oublié d’éponger le thé et Gareth me fixait comme s’il venait de voir une manifestation divine ; ce qui étais bien le cas à n’en pas douter. Soutenue par Gareth et Keytara, je parvins à me lever et à faire quelques pas. Mes jambes tremblaient comme celles d’un faon nouvellement né, mais elles me soutenaient. Je marchais !!! J'appris une leçon importante ce jour là, c'est au moment où l'on renonce qu'il faut s'obstiner deux fois plus.
Les jours qui suivirent, je m'acharnai à monter et descendre l'escalier jusqu'à ce que je sois à bout de souffle. Je me rendis compte à quel point je m'étais affaiblie en ne mangeant pas, mes forces déclinaient trop vite et mes muscles me faisaient souffrir au moindre effort prolongé; mais je m'obstinais. En repensant à ce que Keytara m'avait dit sur l'absence de mes pouvoirs, j'avais pensé à une solution, un peu extrême certes, mais je ne voyais que ce moyen-là pour redevenir entièrement moi-même. Pour mettre ce plan à exécution, il me fallait mes jambes et des forces. J'avais retrouvé mes jambes, mais j'étais aussi faible qu'un animal au sortir de son hibernation. Je devais patienter encore un peu et reprendre des forces. Alors je marchais, je marchai et je mangeai jusqu’à ce que je me sente prête. Quand je fus prête, je demandais à Quinn s’il voulait me ramener chez moi pour que je règle certaines choses.
Keytara fut peinée par l’annonce de mon départ, tout comme moi. Le brève période de temps que nous avions passé ensemble avait fait naître un attachement sincère l’une envers l’autre. Et je faillis renoncer quand elle me dit que je pouvais rester ici définitivement. L’offre d’un nouveau foyer émoussa ma résolution, mais le mal être que je ressentais devait cesser d’une façon ou d’une autre. Toutefois, je lui promis de revenir si j’en avais l’occasion une fois mes affaires réglées.
Et c’est ainsi que le lendemain, à l’aube, je fis mes adieux à Keytara et que je suivi Quinn et Murdock à travers la ville. Je n’avais jamais vu l’intérieur de Fallcrest sinon de très loin. Ce que je vis m’étourdis et m’émerveilla la forteresse de Moonstone se dressait fièrement derrière nous et les premiers rayons du soleil oblique illuminaient cette orgueilleuse construction humaine siège du pouvoir et demeure du Lord Warden. La délicate apparence du temple d’Erathis me fascina et en descendant la falaise, je marquais une pause à la vue des minarets blancs du temple du Chant de la Lune, adressant une fervente prière de reconnaissance à Melora. La ville basse quoique plus modeste, avec encore de nombreuses ruines apparentes ne m’émerveilla pas moins. La diversité des gens qui commençaient à vaquer à leurs affaires était prodigieuse. Tant de monde, sur un si petit territoire, formait une colonie hétérogène mais bizarrement viable. Pour la dernière fois m’étais-je juré, j’avais dissimulé ma tache de naissance sous une tache de suie très opportune. Et je pus m’avancer au milieu de cette foule sans que quiconque fasse réellement attention à moi sinon parce que je tournais mon regard en tous sens.
Nous parvînmes assez rapidement à la partie de la forêt où Everan m’avait enseignée voici plusieurs années et où j’avais rencontré Quinn. Cette zone était encore trop près de la ville à mon goût et après avoir chaleureusement remercié Quinn et Murdock, je m’enfonçais plus en avant pour mettre mon plan à exécution. A une journée de marche de Fallcrest mon cœur fit un bond et je me mis à courir vers une présence que je ne pensais plus jamais revoir : Sermo ! Je n’osais croire à mon bonheur, un de mes frères me revenait vivant. Il avait attendu tout ce temps certain que je finirais par lui revenir et cette nuit là, nos hurlements résonnèrent loin dans le Val de Nentir. Cependant, Sermo s’aperçut assez vite que je n’étais lus la même, je ne parvenais plus à lui parler comme autrefois, mais il me suivit quand même lorsque je repris ma route. La recherche de l’endroit idéal mena mes pas vers la clairière où Oromi avait rendu son dernier souffle. La chose était logique après tout, ce que j’allais tenter était extrêmement dangereux et si je devais mourir, cet endroit était sans doute le plus approprié.
Puisque mes pouvoirs refusaient de se manifester autrement qu’à la limite de ma conscience, je devrais aller les rechercher là-bas. Pour ce faire, je ne voyais qu’une solution, avaler suffisamment de plantes toxique pour m’empoisonner, mais pas assez pour me tuer. En préparant la mixture, je regrettais un instant de ne pas avoir dit à Keytara que j’avais peu de chance de revenir, mais si je lui avais parlé de mon projet, elle m’en aurait empêché d’une façon ou d’un autre, j’en étais certaine. Le poison donnait décoction que j’avais préparé un goût très amer, et il me fallut toute ma volonté pour ne pas la recracher quand mon estomac attaqué par le poison se rebella. Mais j’étais fermement résolue, retrouver la force primale ou mourir.
Le poison mordit mes entrailles puis me paralysa peu à peu et je sombrai dans un état proche de l’inconscience. Je pouvais voire et penser un peu, mais pas bouger et mon corps était devenu totalement insensible. Je savais qu’il était très probable que j’aie bu trop de poison, mais cette demi-vie ne me convenait pas. Melora m‘avait rendu mes jambes, mais je me sentais toujours estropiée sans mon lien aux forces primales. Attachée à cette idée fixe, je traquai les bribes restantes de mon pouvoir au fond de moi. Ce que je trouvais n’était plus qu’une étincelle mourante que je fis tout pour ranimer et ramener vers les hautes sphères de ma conscience. Mais la flamme qui en émergea était fort loin du brasier d’autrefois. Il me faudrait du temps pour redevenir ce que j’avais été jadis Combien de temps cela prit-il ? Je serais incapable de le dire, mais plusieurs jours s’étaient écoulés quand je repris conscience. J’avais réussi, j’avais survécu. Mais j’avais présumé de mes forces ; le poison et ces quelques jours de jeune m’avaient tellement affaibli que je parvenais à peine à bouger et il n’était pas question de seulement m’assoir. Sermo ne m’avait pas quitté et m’avait senti glisser vers le néant; il était très inquiet pour moi. Mais quand il me sentit émerger, il me mordilla le bras jusqu’à ce que je réagisse. Le lien entre nous deux était enfin rétabli et je lui demandais de l’aide. Sermo fit pour moi ce que j’avais fait jadis pour lui quand il commençait à peine à sortir de la tanière sous l’œil vigilant d’Ontari, puis plus tard ce que nous avions fait tout deux pour la nouvelle portée. Il se mit en chasse et quand il eut mangé sa proie, il en régurgita une partie près de moi pour que je puisse manger. La viande crue, déjà machée, avait un goût sanglant et tiède, mais je la mangeais avec reconnaissance. Quand j’eus repris quelques forces, je me trainais plus que je n’avançais jusqu’à la hutte d’Oromi, non loin de là où je serais plus à l’abri. Sans la présence bienveillante de mon yéntaro, la hutte n’était plus qu’un amalgame de racines et de plantes formant une structure creuse. Elle n’avait plus rien de l’asile d’autrefois mais constituais toujours un abri le temps que je récupère un peu. En passant les doigts sur la structure noueuse si familière, mes mains plongèrent dans un renfoncement où j’avais rangé le sabre qu’Everan m’avait offert. Puisque même la forêt n’étais pas un asile sur pour moi, je l’emporterais pour me défendre dans ma prochaine vie. Avant de quitter cet endroit définitivement, il me restait un dernier devoir à accomplir.
Je retournai sur le lieu du massacre et c’est en versant mes dernières larmes que je retrouvai les carcasses pourrissantes et à moitié dévorée par les charognards de ma famille. Avec beaucoup de soins, j’emmurais leurs restes dans notre tanière fermant l’entrée avec des rochers et en encourageant les plantes à les recouvrir afin que nul ne puisse profaner leur tombe. Ma toute dernière étape passa par les tombes d’Oromi et de son épouse. Ce n’était que deux tombes anonymes sous un arbre en fleur. Qui saurait que le grand Oromi Aldaron reposait en ces lieux sinon moi ? Oromi avait été pour moi professeur et un protecteur qui m’avait traité comme sa propre fille. Il resterait toujours dans mon cœur comme mon mentor et mon père. J’avais oublié le nom de mes parents depuis bien longtemps et les drames qui avaient bouleversé ma vie ne m’avaient laissé qu’un point fixe, le souvenir d’Oromi. De ce jour, et pour honorer la mémoire de celui que m’avait appelée yéntimë, je serais désormais Jenna Aldaron aux yeux du monde !
Je rentrai lentement à Fallcrest, économisant mes forces encore précaires. Mon pouvoir était encore vacillant et il faudrait beaucoup de temps pour réellement être en mesure de prétendre au titre de Gardienne, mais j’avais franchi la plus dure étape, le reste ne serait désormais qu’une question de patience et d’obstination, comme toujours. Fidèle à ma promesse, je retournai chez Keytara, qui déjà s’inquiétait pour moi; maintenant que j’étais entière, je me sentais de taille à affronter une nouvelle vie. Keytara fut vraiment effrayée par l’idée que je lui impose la présence de Sermo, mais je finis par la convaincre que Sermo n’étais pas dangereux pour elle. Quand Keytara et Gareth me demandèrent des nouvelles de mon voyage, je me contentai de sourire, puis me concentrant beaucoup, je fis s’ouvrir la fleure en bouton que Keytara avait accroché à son corsage.

EPILOGUE
Les dernières flammes du feu de camp crépite dans la nuit sombre, tisonnant machinalement les braises, je repense à toutes les vies que j’ai eue ; j’ai été une enfant maudite chez les humains, une yéntimë aimée par un elfe et l’apprentie d’un druide, j’ai été un loup, j’ai été une infirme et privée de mes pouvoirs. J’avais frolé la mort plusieurs fois, mais j’avais toujours gagné. Maintenant, je suis l’osellë de Keytara et je protège la ville de Fallcrest avec les gardes forestiers.
Plusieurs vies, beaucoup de peines et un peu de joie. Que me réservera celle-ci ? D’autres drames ou plus de bonheur? Les dieux seuls pourraient le dire, peut-être. Mais je suis toujours vivante et je suis libre. C’est le plus important de l’avis de mon coéquipier, Quinn, qui s’est déjà endormi de l’autre côté du feu.

FIN
Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
naomi
Héros
naomi


Messages : 86
Date d'inscription : 07/09/2011
Localisation : Nivelles
Humeur : Vivement la prochaine partie!

Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: Réflexions nocturnes   Jenna Aldaron, druide gardienne EmptyLun 4 Juin - 19:34


https://www.youtube.com/watch?v=ztD6rgvUTFs&feature=related

Allongée sur son futon, face au mur, Jenna attend le sommeil en repensant aux évènements tous récents.
-Léa, possédée par le Roi Ardent, vaisseau de sa vengeance... Oh, mais pourquoi me suis-je endormie cette nuit là! J'aurais du savoir qu'Acriel n'en resterait pas là et qu'il chercherait à se venger. J'aurais dut être plus vigilante! Qui sait à présent où elle peut être et ce qu'elle endure, jouet impuissant d'une force maléfique. Pardon Léa, Pardon! Tout ceci est entièrement ma faute, mais c'est toi qui dot payer pour mes erreurs.

-Et maman? Que pense-t-elle de tout ceci? A peine nous sommes nous retrouvées que le malheur s'abat de nouveau sur elle. Ma faute, encore une fois! Suis-je condamnée à n'apporter que larmes et destruction à ceux que j'aime? J'avais promis, qu'il ne leur arriverait plus rien maintenant que nous étions réunies, et j'ai été incapable de veiller sur elles!

-Je voulais l'emmener dans un endroit où elle serait loin du Magus et des derniers péchés capitaux, protégée par des amis sûrs et je la mène ... dans un champ de ruines. Une fois encore, notre foyer a brûlé et elle se retrouve sur la route. Je vous en supplie Meinhemdel, protégez là! Protégez là puisque j'en suis incapable.

-Et Falcrest? Sa destruction est aussi ma faute alors... La mort du Lord Warden et de son épouse, la fin affreuse de Quinn, tous ces gens affreusement mutilés par des blessures qui ne pourront jamais guérir,... Oh dieux, ayez pitié, mon manque de vigilence est d'autant plus impardonnable qu'à chaque instant de liberté pour le Roi Ardent, les conséquences empirent. J'ai permis qu'une abomination arpente le monde, avide de destruction. Pareil crime est-il pardonnable? Mon âme restera à jamais entachée par cette faute.

-Les dieux? Mais qu'ont-ils à faire de nous? Cloîtrés dans leurs domaines depuis 10.000 ans, ils se sont clairement désintéressés de leur création. Nous sommes seuls et les implorer ne sert à rien. Seuls, face à toutes ces forces qui nous broierons, avec malice ou dans une totale indifférence; mais le résultat sera le même. Ils nous extermineront.

- A partir de quel moment un insecte comprend-t-il que quoi qu'il fasse, il ne parviendra pas à se dégager de la toile d’araignée dans laquelle il est prisonnier? Car c'est bien ce que nous sommes face à nos ennemis, de pauvres insectes pris dans la toile qu'ils ont tissés de leurs intrigues et plus nous nous débattons, plus nous nous engluons dans les fils.

-L'humanité n'a pas la moindre chance face à ses géants. Humanité? Comme ce mot sonne étrangement à présent que je sais. Humanité... Je n'en fais même pas vraiment partie! Cette dernière révélation me laisse un goût bien amère. Je n'étais destinée qu'à être un pion dans un échiquier, manipulée par des forces qui me dépasse totalement. Que faire alors? Ecouter la voie du sang pour servir les projets de mon père et de son maître? Choisir un des partis tuhatan?

-Qu'est-ce qui nous définit, nos origines ou nos actions? Si ce sont nos origines, je devrai détruire ce monde; si ce sont nos actions, je devrai le préserver. Sommes-nous réellement libres de nos choix ou tout est-il déjà écrit à notre naissance? Je pensais défendre la cause de l'humanité, mais j'ai permis au Roi Ardent de revenir. Sont-ce les intentions de nos actions ou leurs conséquences qui comptent?

-Je ne sais pas, je ne sais plus! J'ai peur pour ma soeur, je m'inquiète pour ma mère; la culpabilité me ronge l'âme. Quel est la solution? Comment faire cesser cette peine et cette incertitude?
Revenir en haut Aller en bas
http://www.imoandesprairieshumides.over-blog.com
Contenu sponsorisé





Jenna Aldaron, druide gardienne Empty
MessageSujet: Re: Jenna Aldaron, druide gardienne   Jenna Aldaron, druide gardienne Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Jenna Aldaron, druide gardienne
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Jenna Aldaron druide gardien
» Shaa'rkys Crinière de sang. Gardienne esprit de la vie level 10
» snake, druide des bas fond
» snake, druide des bas fond
» Anansa Moon Talon Druide Prédateur primal Drow lvl 14

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Jeux de Rôle :: Archives-
Sauter vers: